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L’étoile a pleuré rose au cœur de tes oreilles

L’infini roulé blanc de ta nuque à tes reins

La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles

Et l’homme saigné noir à ton flanc souverain

 

Arthur Rimbaud

Des corps, certains à posture yogique, d’autres frontale et hiératique tels des Kouros de la Grèce antique flottent dans un espace non figuré, sans repère au milieu de formes végétales ou animales, de signes, écritures et géométries, d’aplats de couleur et tissus collés, un entremêlement de formes comme un palimpseste.

 

Sérigraphie, linogravure, monotype, pochoir, collage, formes dessinées ou peintes se succèdent pour construire chaque image par superposition et transparence. Puis suit un travail de rehaut, effacement, recouvrement et ajout. L’espace du dessin est la superposition des couches entre elles. Surgit une profondeur de l’image, sans recours à la perspective, matérialisant un espace-temps de l’image, comme une matérialisation du travail de l’esprit. L ‘œuvre est feuilletée comme le sont les images mentales, strates de la pensée associative, des réminiscences et de l’inconscient.

 

Des tissus, soies et broderies indiennes s’ajoutent aux aplats de couleur comme ces chromolithographies rehaussées d’étoffes soyeuses, de perles, de fils d’or, et bijoux qui ornaient fin du 19e siècle les murs des riches demeures du Chettinad au Tamil Nadu, reprenant aussi la tradition de la peinture classique ancienne de Thanjavur, figurant les divinités de la mythologie hindoue, icônes peintes de couleur vive et serties de gemmes, pierres semi-précieuses et incrustations de verre coloré et de feuille d’or.

L’exposition présente mes œuvres récentes sur toile, papier et aussi carton. Emballage déplié, boite ouverte, l’intérieur se montre, le dedans et le dehors se confondent. La peinture se fait objet. La découpe du contour et le jeu des plis décident la composition autour de la figure centrale, corps ou morceau de corps. Boites de Pandore d’où surgissent nos interrogations métaphysiques, questionnement sur le miracle de la vie et notre relation au cosmos.

 

J’ai appris les couleurs dans l’Inde du sud : les rouge cramoisi , jaune curcuma, mauve indigo des fils de soie juste teints séchant au soleil dans les villages aux alentours de Kanchipuram , les verts lumineux saturés des rizières, les roses délicats des lotus et jasmins honorant les statues du temple, les poudres vermillon et rose vif maculant la pierre noire huileuse des idoles, les soieries multicolores habillant les innombrables avatars de la déesse alignés dans la pénombre des corridors , la polychromie exubérante des gopuram , le kaléidoscope bariolé des murs des villes, zébré d’images , écritures et lumières fluorescentes.

Mon répertoire plastique est fait de formes simples, figures intemporelles constituant un alphabet de base qui par des combinaisons multiples, comme un jeu de construction, donne sa singularité à chaque image, sorte de rébus dont il est vain de déchiffrer et en chercher le sens. Le sujet même des œuvres est plutôt ce mystère de la résonance entre une figure et les autres figures et les couleurs. Les œuvres font écho l’une à l’autre, parlent les unes des autres dans une langue inconnue qu’elles seules partagent, et pourrait nous servir de vade-mecum pour une approche poétique du monde pour entendre les étoiles pleurer les larmes du ciel, voir les pierres réfléchir, les fleurs aimer et les animaux parler de la folie des hommes et nous dire l’indivisibilité du monde.

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